Séance 1 : La versification

Séance 1 : La versification

Retour sur l'étude de poèmes (programme 6ème à 4ème)

Vous marquerez d'un astérisque les notions que vous devez revoir

Étudier la versification :

I – Longueur des vers :

Prononcer ou non le « e » ?

Le « e » est élidé (élision : qui ne se prononce pas) en fin de vers, devant une voyelle ou un h muet. Il se prononce devant une consonne ou un h aspiré.

Exercice : Comptez le nombre de syllabes et soulignez les « e » qui se prononcent :

Prétendait arriver sans encombre à la ville. La Fontaine.

J'implore ta pitié, Toi, l'unique que j'aime.  Baudelaire.

Diérèse ou synérèse ?

Lion : synérèse.

Li-on : diérèse.

Exercice : Comptez le nombre de syllabes :

Sa bure où je voyais des constellations. Hugo.

Nombre de syllabes :

1 syllabe : monosyllabe	4 syllabes: tétrasyllabe	7 syllabes: heptasyllabe	10 syllabes: décasyllabe
2 syllabes : dissyllabe	5 syllabes: pentasyllabe	8 syllabes: octosyllabe	11 syllabes: hendécasyllabe
3 syllabes: trisyllabe	6 syllabes: hexasyllabe	9 syllabes: ennéasyllabe	12 syllabes: alexandrin

Les vers pairs sont les plus employés dans la poésie classique. Au XIXe siècle, Verlaine préconise l'usage des vers impairs dans son « Art poétique » (1882) :

« De la musique avant toute chose

Et pour cela préfère l'Impair,

Plus vague et plus soluble dans l'air,

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. »

II – Le rythme du vers :

Césure :

La césure sépare les hémistiches :

Cyrano de Bergerac, Edmond de Rostand : RAGUENEAU : « Au milieu, la césure, entre les hémistiches » (parlant du pain qui doit être entamé au couteau avant d'être mis au four).

La césure est une coupe qui se trouve au milieu du vers . L'hémistiche désigne la moitié d'un vers.

Exercice : Trouvez les césures des vers suivants :

Que toujours dans vos vers le sens coupant le mot

Suspende l'hémistiche, en marque le repos. Boileau, Art poétique.

Avec tes yeux je change comme avec les lunes

Et je suis tour à tour et de plomb et de plume. Paul Eluard.

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue. Racine.

LA DISPOSITION DES RIMES

I – La rime, définition :

Créée par une homophonie (même son) à la fin des vers, elle obéit à des règles dans la poésie classique : alternance de rimes féminines et masculines.

Exercices : repérez les rimes masculines et féminines :

Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,

L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,

Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix

Que ne recueille pas de cinéraires amphores

Mallarmé, Poésis, « Sonnet en X ».

Une rime féminine est une rime qui …

Il existe aussi des rimes internes : rime à la fin de l'hémistiche et du vers :

Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie, Ronsard, « Sonnet pour Hélène » → met en relation « aujourd'hui » et « vie » pour inviter à profiter du présent, à savourer l'instant : c'est le thème du Carpe Diem d'Epicure.

II – Disposition des rimes :

___________________________________ :

Dans le vieux parc solitaire et glacé,

Deux formes ont tout à l'heure passé

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles

Et l'on entend à peine leurs paroles.

Verlaine, « Colloque sentimental »

____________________________________ :

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.

Baudelaire, « L'albatros », Les Fleurs du Mal

____________________________________ :

Homme libre, toujours tu chériras la mer !

La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme

Dans le déroulement infini de sa lame,

Et ton esprit n'est pas u gouffre moins amer.

Baudelaire, « L'homme et la mer », Les Fleurs du Mal

Certains poètes, comme Baudelaire ou La Fontaine, mélangent ces trois types de rimes dans leurs textes.

Soulignez les « e » qui se prononcent.

Étudiez la qualité des rimes.

La musicalité du vers :

I – Enjambement, rejet et contre-rejet :

L'Enjambement : La phrase n'est pas contenue dans la limite du vers, elle dépasse ; elle déborde sur le vers suivant :

Tes jours, sombres et courts comme les jours d'automne,

Déclinent comme l'ombre au penchant des coteaux. Lamartine.

Exercice : Dessinez schématiquement un enjambement :

Le rejet : Un élément dépendant d'un vers ne peut y trouver place et est rejeté dans le vers suivant :

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent

Pour partir ; cœurs légers, semblables aux ballons. Baudelaire.

Exercice : Dessinez schématiquement un rejet :

Le contre-rejet :

Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,

Haine, frisson, horreur, labeur dur et forcé. Baudelaire.

Exercice : Dessinez schématiquement un contre-rejet :

II – Assonance et allitération :

Allitération : répétition d'un son consonne.

Assonance : répétition d'un son voyelle.

Exercice : Entourez les sons qui se répètent. Est-ce une allitération ou une assonance ? Que cherche à imiter Racine ?

Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? Racine.

Exercice : étudiez les sonorités de ce poème de Verlaine, « Mon rêve familier ».

Je fais souvent ce rêve, étrange et pénétrant,

D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,

Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même,

Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Avec les sonorités de quels mots (2 mots) Verlaine joue-t-il ?

III – La qualité des rimes :

Rime pauvre : 1 son en commun

Rime suffisante : 2 sons en commun

Rime riche : 3 sons ou + en commun

Exercice : Définissez la qualité des rimes :

Cathédrales – Vieux râles :

Aimons - pardon :

Verts - mers :

Fantastiques - élastiques :

Holorime :

« Gal, amant de la reine, alla, tour magnanime,

Galamment de l'arène à la tour magne, à Nïmes » (Victor Hugo)

Les fonctions de la poésie et du poète:

I- Les différentes orientations de l'écriture poétique:

La poésie établit un rapport au monde qu'il s'agit de représenter et de déchiffrer.

La poésie lyrique, à travers l'expression du MOI et des sentiments du poète acquiert une dimension générale qui renvoi à tous les hommes. Tous les thèmes sont envisagés. Ex: l'amour, la méditation sur la fuite du temps et la mort, l'homme face au monde. Elle peut aussi être morale et didactique. Ex: Les Fables de La Fontaine.

La poésie engagée a pour but de témoigner ou de dénoncer les injustices ou les horreurs de l'époque:

• les conflits religieux, ex: Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques, 1616
• la guerre: la guerre de 1870, Le Dormeur du Val, Rimbaud; Seconde Guerre Mondiale et Résistance: Aragon, Le Musée Grévin, 1943; Eluard, Poésie et vérité, 1942.
• la situation politique: Hugo s'oppose à Napoléon III dans les Châtiments.

La poésie comme fantaisie verbale: jeu sur le langage, les sons, les mots, le sens, réécritures et parodies. Ode à Cassandre est un poème lyrique de Ronsard qui met en garde avec délicatesse une jeune fille contre l'effet du temps sur sa beauté et donc sa capacité à inspirer l'amour. Réécrit par Raymond Queneau dans L'Instant fatal en 1948, le poème devient une forme libre sans rimes ni majuscules ni ponctuation, écrit en langage familier et présentant de façon comique les ravages physiques de la vieillesse. C'est une des formes privilégiées du burlesque (XVIIe s., dérivé du Baroque) et de l'Oulipo (XXe s.)

La poésie comme réflexion sur elle-même: Un "Art Poétique" fixe l'ensemble des règles à suivre ou propose les principes novateurs d'une création. Il est l'équivalent d'un manifeste.

Ex: L'Art poétique de Boileau au XVIIe propose les règles du classicisme. L'Art poétique de Verlaine au XIXe marque la spécificité du genre poétique à travers le 1er et le dernier vers:

"De la musique avant toute chose"

"Et tout le reste est littérature"

Il y prône aussi l'utilisation du vers impair, plus musical.

II – Les Figures du poète:

Dans la mythologie grecque, la figure du poète est celle d'Orphée qui peut endormir n'importe quelle créature ou demander l'aide des dieux grâce à sa lyre et à son chant poétique (d'où le terme de poésie "lyrique"). Le poète est donc l'intermédiaire entre les dieux et les hommes.

Le poète inspiré: La fonction du poète présente un caractère sacré. L'inspiration sous laquelle écrit le poète est une sorte de dictée divine.

Le poète chargé d'une mission: Celle de traduire pour le profane les énigmes du monde, celle d'être un porte-parole ou un témoin. Deux attitudes sont ainsi dévolues au poète:

- l'isolement: Le poète mène une quête du Beau, une quête de l'idéel mal reçue par le commun des mortels. Isolé ou incompris de ses semblables, le poète est présenté dans "L'Albatros" de Baudelaire comme humilié et blessé par les hommes:

" Le poète est semblable au prince des nuées,

Qui hante la tempête et se rit de l'archer;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l'empêchent de marcher."

- l'engagement parmi les hommes: Le poète dénonce les maux du monde. Hugo insiste sur le rôle que doit jouer le poète dans le progrès de la civilisation, il doit s'engager contre la tyrannie (Victor Hugo s'est engagé contre Napoléon III). Eluard s'engage dans la résistance: "Depuis plus de cent ans, les poètes sont descendus des sommets sur lesquels ils se croyaient."

- Un alchimiste et un voyant: Le poète transforme le monde par l'écriture poétique; il peut voir au-delà du réel. La création poétique est comparée à une métamorphose.

Ex: Baudelaire: "Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or." L'expérience poétique est vécue comme une illumination: Rimbaud, "Lettre du voyant", 1871: "Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant. Le poète se fait voyant par un long, immense et déraisonné dérèglement de tous les sens." Le poète voyant révèle le réel. L'écriture surréaliste, dans cette perspective, cherchera une sur-réalité dans les images du rêve ("oniriques") et de l'inconscient, dans les associations des réalités logiques, ex, Eluard, "La terre est bleue comme une orange"; voire dans l'écriture automatique ou le cadavre exquis.

Exemple de cadavre exquis: (à vous de le rédiger !)

- Un artisan du langage: Le poète travaille sur le langage.

Boileau, Art poétique:

"Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage:

Polissez-le sans cesse et le repolissez;

Ajoutez quelque fois et souvent effacez."

Les poètes s'éloignent parfois du sens pour s'intéresser à la musicalité ou à la puissance évocatoire des mots, à la façon ludique d'exprimer les vers (ex: holorimes), ou dans une perspective esthétique: l'Art pour l'Art du Parnasse: le poète devient alors artiste visant à la seule performance.

Mallarmé: "Ce n'est point avec des idées qu'on fait des vers, c'est avec des mots."